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Photo du rédacteurValérie

L'interdépendance entre yogas tibétains et médecine tibétaine

Dernière mise à jour : 27 mars 2021

Que signifie "yoga" pour vous ?

Pour beaucoup il s'agit d'une pratique physique permettant d'entretenir le corps en l'assouplissant, le renforçant, le tout pratiqué dans une attention posée sur le souffle, permettant ainsi d'unir le corps et l'esprit. C'est vrai, mais il me semble important d'aller plus loin que cette approche qui est en fait une vision épurée occidentale d'une pratique spirituelle intégrée à un tout.

Dans le système tibétain, les yogas sont des pratiques très diverses incluant des pratiques incluant des mouvements tel que les Lu Jong, le Kum Nyé, le Yantra Yoga ou les Tsa-Lung, des pratiques allongées telles que le yoga du rêve et du sommeil, et de nombreuses pratiques méditatives sans mouvements tel que le Tummo, les méditations avec Yidams (visualisation puis génération sous les aspects d'une déïté), les récitations de mantras,....

Du fait de la manière dont notre société est constituée, nous avons l'habitude de compartimenter et de séparer chacune de ces pratiques alors que le système tibétain est à comprendre et à intégrer dans son ensemble car toutes ces pratiques travaillent sur le même pillier, lequel est notre corps énergétique et tout particulièrement notre énergie vitale.

Sowa Rigpa, ou "science de guérison", une part intégrale des pratiques spirituelles

Dans cet ensemble est également intégré la médecine tibétaine, Sowa Rigpa, ou "science de la guérison". Il est important de comprendre qu'il n'y a aucune séparation dans le système tibétain entre les pratiques yogiques et la médecine tibétaine. Le Bouddha Sakyamuni fût le premier médecin. Il est considéré comme l'un des Huit Bouddhas de la médecine et il délivra l'enseignement du Bouddha de la médecine sous la forme du traité de Gyud Zhi.

"Parce que la santé est de première importance,

En toute compréhension, tous ceux qui veulent méditer

Et atteindre le nirvana et qui veulent la richesse et le bonheur

Doivent apprendre la science de la médecine".

(traduit de Tibetan Medecine de Rechung Rinpoche)

Gyud Zhi, ou les quatre Tantras de médecine, expose la théorie générale de la science médicale et répertorie plus de 1600 maladies auxquelles il fournit les explications relatives à toutes les méthodes de soin. Ce traité de médecine, comprend 5 900 vers que chaque médecin tibétain doit connaître par coeur afin de s'y référer au quotidien dans sa pratique.

Les méthodes de soin utilisées dans la médecine Tibétaine regroupent l'essence des meilleures méthodes de soin anciennes Indiennes, Chinoises, Grecques, et Perses, associées à la science Tantrique Bouddhiste.

La médecine tibétaine est aujourd'hui l'une des rares médecines traditionnelles à avoir traversé les siècles totalement préservée et intacte, offrant à nos sociétés actuelles une science de guérison dont les résultats positifs sont en train de connaître une validation et un intérêt de la part des sciences occidentales. Il est également interessant de savoir que la médecine chinoise s'est très largement inspirée de la médecine tibétaine et que l'on trouve des pilules tibétaines sous le nom de médicaments chinois.

Tsog-Lung, le pillier de la médecine tibétaine

L'un des 2 pilliers de la médecine tibétaine est basé sur la connaissance du "tsog-lung", souffle vital ou force vitale. On la connaît sous "prana" en Inde, "chi" en Chine, "pneuma" en Grèce ancienne,... Il est interessant de savoir que pas moins de 95 cultures dans le monde ont construit leur système de guérison sur ce même concept... Ce souffle vital circule dans le corps à travers un réseau de cannaux ou "tsa" (3 principaux, 72 000 secondaires), en lien avec le cycle de la lune. Lorsqu'il y a des blocages dans ces canaux, l'énergie ne peut plus circuler librement et ne peut donc plus atteindre toutes les parties du corps de manière uniforme. C'est dans ces espaces déficiants en énergie en circulation que les maladies vont pouvoir se manifester. Les maladies sont percues dans le système tibétain comme étant l'opposé de "tsog-lung". Lorsque l'énergie circule, la maladie peut quitter le corps par là où elle est arrivée, le "tsog-lung" évacuant cette énergie négative. La vibration énergétique du corps, ou sa charge énergétique, se transforme alors depuis un état déséquilibré vers un état sain, vitalisé.

Les 3 humeurs, les 3 énergies internes

Le 2ème pillier de la médecine tibétaine est le concept des 3 humeurs. Les 3 humeurs sont les 3 énergies de santé. C'est le déséquilibre de ces 3 humeurs qui forme la nature profonde d'une mauvaise santé, donnant naissance à 404 maladies.

Les 4 tantras médicaux du Gyud Zhi expliquent la manière dont les effets de la nourriture interragissent avec les 3 humeurs, nos énergies vitales. La diététique joue donc un rôle essentiel dans le traitement des causes des maladies au sein du système médical tibétain. Le Gyud Zhi décrit également comment les 5 éléments contenus dans la nourriture - la terre, l'air, l'eau, le feu, et l'espace - donnent lieu aux 5 éléments à l'intérieur du corps, ces éléments que l'on retrouve en lien avec chacune des 3 humeurs.

L'humeur Lung (ou Vent), en lien avec l'élément Air, constitue l'énergie du mouvement. Cela concerne tous les mouvements, où qu'ils soient. Les mouvements physiques comme la marche, le mouvement musculaire, mais aussi les mouvements à l'intérieur des canaux physiques (système vasculaire, système lymphatique,...) et des canaux énergétiques (tsa).

L'humeur Tripa (ou Bile), en lien avec l'élément Feu, constitue l'énergie du métabolisme. Elle représente la chaleur du corps ainsi que le feu digestif et pemet de gérer les transformations liées à l'absorption et à l'assimilation et l'ensemble du métabolisme.

L'humeur Bekan (ou Phlegme), en lien avec les éléments Eau et Terre, est de nature fluide. Elle est la structure qui gère la totalité des liquides organiques corporels, apportant fluidité, souplesse et douceur au corps en graissant toutes les articulations, et joue un rôle important dans la concentration et la mémoire.

La cause des maladies dans le système tibétain ou l'incidence de nos aspects mentaux dans notre bien-être

La médecine tibétaine définie la mauvaise santé en terme de cause puis de nature. Il y a 4 causes de maladies selon ce système de guérison et donc 4 aspects à prendre en compte : l'alimentation, le comportement, les saisons, le karma. Ces aspets, incluant également les émotions, sont connues en tant que "conditions". En effet, toute émotion négative ou pensée négative est une contraction dont l'accumulation crée des blocages dans les canaux. La circulation énergétique se trouve déséquilibrée, l'énergie étant alors dirigée dans des zones devenant toujous plus sur-activées alors que d'autres se trouvent sous-alimentées. On comprend donc que la nature des maladies physiques sont perçues dans leur sens spirituel et viennent de nos attitudes mentales. Les 3 poisons principaux sont l'attachement, la colère, et l'ignorance. Ce sont ces aspects mentaux qui interfèrent sur les énergies de vie des 3 humeurs : Lung (vent), Tripa (feu), Bekan (phlegme) et le résultat sera la manifestation d'une maladie.

D'où l'importance de cheminer à travers un développement spirituel afin d'établir un esprit positif, lumineux, et ainsi mettre en place les conditions pour un corps en pleine santé.

La médecine tibétaine va bien sûr travailler sur les causes, mais il ne servira à rien d'oeuvrer sur la cause si nous ne modifions pas les conditions.

La toute première des conditions étant de travailler sur la condition, racine, l'ignorance. L'ignorance est notre compréhension ou perception erronée de la réalité, la vue. Nous cherchons donc à éliminer "marigpa" qui est la mauvaise vue, ou vue erronnée, celle qui nous fait croire que la réalité que nous percevons depuis que nous sommes nés est la vraie réalité. A travers cette vue éronnée, nous vivons dans un monde de dualité dans lequel nos émotions forment le canevas de nos pensées et de nos vies. En nous libérant de cette conception erronnée, nous pouvons agir sur nos émotions, les transformer depuis leurs aspects négatifs vers leurs aspects positifs, permettant ainsi à notre corps subtil de se renforcer et donc d'établir une relation de bien-être auto-nourrissant. L'esprit devient positif, le corps s'équilibre vers la santé, l'un et l'autre se stimulant et permettant d'établir un bien-être durable.

Côté pratique, le médecin va oeuvrer en augmentant l'humeur en déficience, en diminuant l'humeur en excès, et en harmonisant l'humeur en désordre.

Les diagnostiques

Le médecin va tout d'abord établir un diagnostiques et pour cela il va utiliser plusieurs outils dont l'un des plus étonnant et des plus habile est la prise de pouls. La prise de pouls s'effectue sous la forme de 3 voies mettant en interraction le médecin, les organes et la constitution du corps énergétique. Alors qu'en Occident le ressenti du pouls est une simple routine, les médecins tibétains "écoutent" le pouls. Cette technique demande une grande finesse d'ouverture et prend une année à acquérir, et au minimum une décénie pour être maîtrisée... Une prise de pouls peut durer plus d'une vingtaine de minutes durant lesquelles le médecin entre littéralement en état méditatif et est à même d'émerger avec un diagnostic précis dont l'exactitude a réellement surpris les chercheurs occidentaux dans le cadre d'études validantes. Un autre outil est le diagnostic de l'urine lequelle est une méthode unique au système tibétain que les chercheurs occidentaux commencent à explorer, car jusque là les diagnostiques occidentaux se portaient uniquement sur 8 facteurs. Le diagnostique de la langue est largement utilisé pour confirmer les résultats du pouls et le diagnostique de l'urine. Enfin, le diagnostic astrologique est également incorporé à travers le calendrier du Tantra de Kalachakra. Il est important de savoir qu'un médecin tibétain va effectuer son cycle complet d'études en médecine tibétaine ainsi qu'un cycle complet d'études en astrologie. Il choisira alors à la fin si il s'oriente plutôt vers la médecine ou plutôt vers l'astrologie. Cette orientation n'est par contre pas une séparation. En effet, un médecin tibétain va également composer les médications, les pillules, et celles-ci seront réalisées conjointement avec les astrologues car selon les plantes et minéraux utilisés, en rapport avec les effets à obtenir, certaines pilules seront confectionnées à des moments précis en relation avec les mouvements de la Lune, mais aussi en relation avec les mouvements du soleil. Certaines pilules seront ainsi fabriquées uniquement la nuit, à des moments donnés de l'année. L'astrologie sert également à définir plus précisément les causes karmiques interférant dans la vie du patient.

Le médecin utilise également le diagnostique des yeux, l'analyse des rêves et des visions oniriques, ainsi que parfois l'anammnèse.

Les moyens d'actions

Thérapie interne

La diététique joue un rôle déterminant dans la santé et est considérée par la plupart des cultures asiatiques comme le meilleur docteur. La médecine tibétaine reconnait l'alimentation comme l'une des 4 causes de maladies. Une diète adaptée est donc la base de l'approche médicale et la médecine tibétaine porte l'accent sur le "bien-être" initial de cette alimentation. Les ingrédients doivent être sains, naturels, sans pesticides, frais. L'aspect environnemental entre donc en compte.

Le processus digestif est compris sous la forme d'un processus énergétique. L'humeur Tripa (feu) apporte la chaleur à la nourriture avant que l'humeur Bekhan (phlegme) permette d'effectuer ce que nous appellons le pétrissage et la segmentation. Les aliments se séparent alors en 2 types, les nutriments et les déchets, les nutriments étant ensuite dirigés vers le foie à travers les 9 canaux nutritifs pour ensuite être transformés sous la forme des 7 constituents du corps physique. Le feu digestif étant essentiel à la bonne assimilation des nutriments, la médecine tibétaine conseille d'éviter les boissons froides, et tout particulièrement celles contenant des glaçons. De nombreux conseils sont délivrés au sujet de la température des aliments, des types d'aliments à privilégier selon notre nature de base (type Tripa, type Lung ou type Bekhan) en relation avec les équilibres et déséquilibres du moment, des aliments à associer ou dont les associations sont à proscrire. (Je reviendrais sur ces sujets dans de nouveaux posts sur ce blog...).

Les médicaments sont également prescrits. Ceux-ci se présentent sous la forme de pilules. Les tantras de médecine indiquent que tout ce qui est présent sur Terre a le pouvoir d'être une médecine, ainsi 1006 plantes et 840 minéraux sont ressencés, toutefois depuis l'invasion chinoise, 300 espèces de plantes ont disparu. La particulaité de cette médecine est que bien que les tantra de médecine décrivent chaque plante ou minéral de manière individuelle, ils ne sont jamais utilisés seuls mais sous la forme de combinaisons synergiques qui ont pour but de régulier les effects actifs des ingrédiens sur le corps. Il a été constaté que les effets secondaires présents dans la pharmacopée occidentale n'ont pas pu être observés dans la pharmacopée tibétaine et cela pourrait venir du fait de la complexité de ces formules. Chaque pilule contient de 7 à 100 ingrédients et chacune des milliers de formules existantes est très complexe.

Certaines formules sont proposées sous la forme de tisanes, de décoctions, de poudre, mais aussi de siropts, de compotes liquides ou de beurres médicinaux.

D'autres techniques sont également proposées tel que les purges ou thérapies huileuses, les purgatifs et les laxatifs, les lavements, les drainages.



Thérapie externe

Les thérapies externes sont composées des massages, la pause de cataplasmes, les bains médicinaux, les ventouses, la moxibustion, les saignées.



Thérapie de l'esprit

La guérison spirituelle est un inséparable de la médecine tibétaine puisque l'on a vu que les maladies trouvent leur racine ultime dans "marigpa" laquelle est notre vue erronée vis à vis de ce que nous sommes et de la manière dont nous interagissons en dépendance avec nos émotions à la manière d'une marionette balotée par des flux incessants de pensées et émotions positives constament entrecoupées de pensées et d'émotions négatives. Dans ce cadre, on utilisera la récitation de mantras qui ne sont pas des prières mais plutôt des affirmations positives récitées comme des chants, dont les syllabes sacrées portent et délivre une énergie d'ordre spirituel ; on effectuera des méditations de visualisation des Huit Bouddhas de la médecine lesquelles possèdent des actions de purification.

Maintenir la santé ?

La santé passe par la prévention aussi le médecin tibétain amène le patient à adopter une hygiène de vie adaptée. Pour cela, il va lui apprendre à adapter son alimentation aux saisons, à adopter des exercices respiratoires, l'inviter à recevoir régulièrement des massages thérapeutiques, à pratiquer quotidiennement des yogas tibétains tel que le Lu Jong, à effectuer la pratique de Nyoung-né qui consiste en un jeûne associé à la méditation, à effectuer la méditation de Tonglen dont la pratique consiste à accueillir avec tendresse la souffrance de quelqu'un et à lui renvoyer en échange beaucoup de bonheur.

Quel lien avec les yogas ?

Les pratiquants tantriques ou yogis, et les guérisseurs tantriques ou médecins tibétains, considèrent que ces cannaux invisibles sont plus important que le système nerveux et vasculaire. Ils forment le "phra-bailus", corps subtil.

Le médecin tibétain se base sur les points de ce corps subtil pour apposer les traitements d'acupunture, de moxibustion, de ventouses ou de saignées.

Le yogi utilise des points de pressions spécifiques dans le cadre de ses mouvements pour diriger les vents subtils dans les directions permettant de soutenir la circulation énergétique et va utiliser ses ressentis perceptifs associés à des visualisations pour développer différents points du corps subtil.

C'est là que nous comprenons l'étroite interraction entre la médecine tibétaine et les pratiques des yogas tibétains.

Ainsi le médecin tibétain n'est pas seulement un médecin dans le sens où nous l'entendons en Occident. Il est avant tout un être pratiquant la méditation, développant toujours plus sa compassion à travers son cheminement de transformation. Lorsqu'il y a une consultation, souvent le médecin voit arriver le patient avant qu'il ne soit là, à travers sa pratique du yoga du rêve, et lors de la consultation, il entre réellement en méditation pour se relier au corps subtil du patient à travers son propre corps subtil, permettant ainsi d'aller au-delà des concepts et des projections des pensées, entrant dans un univers de non-dualité, offrant ainsi un accès direct à l'information et recevant ainsi les directives quant au traitement à apposer en lien avec les connaissances qu'il a intégré pendant plus de 15 années d'études.

Le yogi quant à lui, tel que le Bouddha l'a indiqué, doit impérativement conserver et développer un corps toujours plus en bonne santé, atteindre un équilibre corps et esprit, pour ensuite pouvoir cheminer vers une transformation à travers ses pratiques yogiques. Il est donc important que chaque yogi étudie la médecine tibétaine durant ses premières décénies de pratiques. Puis, comme Sa Sainteté Le DalaÏ Lama nous l'a indiqué durant le Kalachakra de janvier 2017 à Bodhgaya, lorsqu'il est prêt à entrer dans les pratiques des hauts-tantras, après avoir cheminé durant de longues années et développé diverses réalisations, il pourra voire, il devra laisser de côté ces études pour cheminer uniquement sur le travail interne portant sur les souffles subtils en lien avec les 3 canaux principaux.

Mais comment faire en Occident si l'on veut pratiquer les yogas tibétains mais que l'on ne souhaite pas entrer dans une "vie entière de pratique" ?

Nous avons donc vu que médecine tibétain et yogas tibétains forment un tout indissociable. Nous comprenons toutefois qu'il nous est impossible, pour la plupart d'entre nous, de tout quitter, nos travails, nos familles, pour aller méditer, pratiquer, étudier, et cheminer ainsi sur une voie spirituelle profonde.

Ces pratiques peuvent toutefois être intégrées de manière douce dans nos vies quotidiennes et déjà apporter des effets qui seront rapidement ressentis.

J'ai ecrit cet article en introduction d'une série de posts qui apparaitront sur ce blog et qui comprendront au fil du temps de nombreux petits conseils portant sur l'hygiène de vie, sur l'alimentation, sur des exercices de souffle, sur des mouvements, afin que le lecteur et les personnes qui s'interessent aux yogas tibétains comprennent que ces pratiques sont une des pièces d'un grand puzzle dont le cheminement ultime est de nous libérer et de libérer tous les êtres des souffrances et des causes des souffrances liées à notre état samsarique.


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